Le choc des titans

Quand on se voit,
nos images diffèrent
de celles que l’on voit.
Forcément, puisque je ne vois pas
comme tu vois.

Je te vois devant moi —
mais l’image de toi que j’ai en tête
n’est pas la même que celle que tu as,
toi, de toi.

Et celle que tu t’es faite de moi
n’est pas la même que je me suis faite,
moi, de moi.
Sûrement pas.

Ces images qu’on a en tête l’un de l’autre
prennent toute la place entre toi et moi.
Et malheureusement, des fois,
il n’y a plus d’espace autrement.

La plupart du temps, bien sûr, on s’ajuste.
Je mesure l’image que je garde de toi
à celle que j’observe quand tu es là.
Je modifie doucement ton image,
et tu modifies la mienne —
chacun sans trop s’en rendre compte.

D’autres fois, le titan qui t’accompagne
quand tu penses à moi,
il se tient là, entre toi et moi —
et ce n’est pas moi.
Pas du tout, même !
En tout cas, pas celui que je pensais être moi.

Inversement,
celle que tu penses être toi
n’est pas la titane que je vois,
ou que je pense voir
quand je te vois.

— C’est le choc des titans.

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Écrit par Enrico J. Lévesque le 02 avril 2021
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