3 jours de jeûne dans la jungle sur l'Île de Vancouver

J’ai raconté à mes filles dernièrement un événement traumatisant que j’ai vécu étant enfant quand j’ai pleuré dans mon garde-robe après mon premier jour à l’école secondaire. Je m’étais fait bousculer dans les corridors ce jour-là et j’étais tombé dans les escaliers après m’avoir fait accrocher légèrement. Je suis rentré chez moi, j’ai lancé mon sac par terre et j’ai crié à ma mère que c’était une école de fou, que je ne voulais plus jamais y retourner. Je me suis assis dans le fond de mon garde-robe et j’ai pleuré. Puis j’ai demandé tout haut pourquoi j’étais handicapé ? Pourquoi moi ? Pourquoi je n’étais pas resté mort à l’accident s?

— J’ai été frappé par une voiture à l’âge de 7 ans et je suis miraculeusement resté en vie. Je suis resté sévèrement handicapé à cause d’une parésie aux quatre membres. J’avais beaucoup de misère à marcher et à rester stable sur mes deux pieds. Les jeunes du secondaire faisaient moins attention à moi quand ils passaient rapidement dans les corridors et les escaliers —

J’étais donc assis dans le fond de mon garde-robe à pleurnicher sur mon sort. C’est alors que l’idée m’est venue à l’esprit que si je n’étais pas mort à l’accident, c’était parce que j’avais une mission à accomplir sur la terre. Un ange invisible m’a peut-être soufflé à l’esprit cette pensée pour me consoler. Je me suis accroché à cette idée et je suis monté tout-de-suite en-haut des escaliers pour dire à ma mère que je savais pourquoi j’étais resté en vie après l’accident : parce que j’avais une mission à accomplir.

Quelques années plus tard, étant jeune adulte, en voyage dans l’Ouest canadien, j’ai fait un jeûne de 3 jours dans la forêt. Je jeûnais avec 5 autres jeunes dans la jungle quelque part à l’Ouest de l’Île de Vancouver. Après une longue marche dans la forêt pour nous rendre à l’endroit prévu près d’une rivière, le jeûne a débuté le vendredi soir après avoir partagé un repas tous ensemble. Auparavant, on avait choisi, chacun d’entre nous, un endroit dans la jungle, un « spot », où on allait passer la nuit du vendredi, le samedi et le dimanche, seul, isolé des autres. On devait se réunir le lundi matin pour déjeuner ensemble et partager nos expériences. Après avoir failli me perdre dans la végétation dense de la montagne, j’ai opté pour un endroit calme à côté de la rivière où j’ai pu installer une toile sur un billot de bois au-dessus d’un lit naturel de graviers fins.

L’Amérindien qui nous avait invité à faire ce jeûne disait que les amérindiens jeûnaient de cette façon pour avoir des visions et des réponses à leurs prières. Je venais d’apprendre l’histoire de la Première Vision de Joseph Smith et je voulais voir Dieu, moi aussi. C’était la raison pour laquelle je voulais faire ce jeûne.

Le samedi s’est bien passé. Je me suis baigné le matin dans la petite rivière à côté de laquelle je m’étais installé, et j’ai bu une gorgée de l’eau de la rivière. L’eau coulait d’un glacier : elle était claire et très bonne à boire.

La rivière était dans le fond d’une crevasse, d’une vallée très étroite à certains endroits, en particulier là où je m’étais installé. Je dormais dans un creux formé dans le roc par la crue des eaux au printemps. Mon lit était rempli de petits graviers tout ronds. À une centaine de centimètres plus bas de là où je dormais, tout à côté de moi, coulait la petite rivière. On était en saison chaude. J’imagine qu’au printemps la rivière remplissait toute la falaise. Le roc sur le flanc de la montagne sur lequel je me promenais était tout poli, lissé par l’érosion. De l’autre côté de la rivière, il y avait une falaise d’environ 30 ou 40 mètres. La rivière coulait au pied de la falaise.

J’avais froid en bas dans l’ombre. Je suis monté sur le flanc de la montagne pour me réchauffer au soleil ; et j’ai médité. J’essayais en fait de ne plus penser. Comme la rivière coulait toujours frayant son chemin à travers les rochers, la falaise, la crevasse et même qu’elle s’élargissait plus loin, j’ai pensé que je pouvais moi-aussi trouver le calme dans mes pensées, si je méditais doucement à la chaleur du soleil. Et j’ai senti quelque chose, un frissonnement qui montait dans mon dos jusque dans ma tête, pas une chaleur, mais un frétillement agréable; comme l’eau de la rivière coulait à travers les rochers, ce sentiment me traversait le dos pour monter jusque dans ma tête à travers mes pensées. Pour la première fois de ma vie, il me semble, je ne pensais plus à rien. Rien que la chaleur du soleil. J’ai vu un papillon devant moi qui volait devant moi. Il est venu se poser sur mon bras. Ça m’a fait un très grand plaisir.

Je me suis promené par la suite sur le flanc de la montagne pour explorer un peu. Plus en amont de là où j’étais, la rivière s’élargissait pour former un grand bassin. La falaise d’en face n’était plus là. J’étais dans une petite vallée. C’est là que j’ai vu une biche avec son faon qui buvait l’eau claire dans le bassin. Je les ai observés quelques temps avant de retourner à mon campement avant que le soleil ne se couche.

Je suis retourné dans l’eau et j’ai pris une autre gorgée d’eau. Sans plus. Je me suis couché par la suite et j’ai bien dormi.

Le dimanche matin, l’Amériendien qui avait organisé le jeûne est venu me voir pour savoir si tout allait bien. Il m’a dit que 2 des 4 qui jeûnaient étaient allés le rejoindre la veille en soirée parce qu’ils avaient trop faim. Il ne restait que moi et une fille qui s’était installée en haut de la falaise dont je parlais plus tôt. L’organisateur ne jeûnait pas pour pouvoir veiller sur nous. Il m’a apporté ce matin-là un demi pamplemousse. Il disait que je devais manger un peu.

J’allais bien avant de manger ce pamplemousse. Plus tard dans la journée, je souffrais de maux de ventre intenses. Je suis resté couché sur ma couche d’infortune à me morfondre, car j’étais troublé en esprit et mes pensées ne s’arrêtaient plus de rouler dans ma tête dans tous les sens. Je demandais à voir Dieu en prières ; prières qu’on pourrait tout aussi bien qualifier de délire. Je pensais à toutes sortes de choses en bric à braque dans ma tête. Je ne me rappelle pas exactement comment, mais l’idée que j’avais une mission sur la terre à accomplir m’est revenue à l’esprit. C’est alors que j’ai demandé, que j’ai supplié le ciel en posant simplement la question : « Mais quelle est ma mission ? » Car j’étais encore persuadé que j’avais une mission spéciale à accomplir. Je voulais changer le monde. Je voulais contribuer à améliorer la vie des hommes sur la terre.

Tout de suite après avoir posé ma question, couché sur le dos dans mon lit de pierres rondes, j’ai tourné la tête pour regarder au sommet de la falaise en face de moi, et j’ai vu la biche de la veille, avec son petit faon. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a rassuré. J’ai alors senti une paix, un sentiment de réconfort qui m’a rempli le corps et qui a apaisé toutes mes pensées. Du coup, le mal que j’avais dans les entrailles a disparu, ou je ne m’en souviens plus.

J’ai compris alors — est-ce que c’est une voix qui m’a parlé ou juste l’idée qui est venue ? De toutes manières, l’idée était claire comme une révélation de Dieu ; en fait, je savais que c’était Dieu qui m’avait répondu — j’ai compris que ma mission était de vivre heureux, de trouver une épouse, de la rendre heureuse, de rendre nos enfants heureux et de faire tout en mon possible pour rendre mon entourage heureux également. C’était-là ma mission. C’était ce que Dieu me demandait de faire pour changer le monde. Je comprenais que c’était ma contribution et que c’était le seul moyen de changer le monde ; car le bonheur se répand de cette manière, une influence à la fois. Je comprenais que le bonheur est une puissance qui peut remplir le monde, un cercle d’influence à la fois.

Je me suis endormi après cette expérience dans le calme et j’ai dormi jusqu’au lendemain matin en paix. Il pleuvait, mais j’étais à l’abri sous ma toile.

Le lundi matin, très tôt, l’Amérindien est venu me donner une préparation de gruau froid avec du sel en me disant que c’était nécessaire de briser mon jeûne avec cette préparation ; puis il m’a invité à aller rejoindre tout le monde pour le déjeuner quand j’aurais pris quelques forces.

En mangeant plus tard tous ensemble, nous avons discuté. Les Amérindiens terminent leur jeûne avec une session de témoignages ; c’est ce que nous avons fait. J’ai alors raconté mon expérience. J’ai dit aux autres que j’avais appris quel était le but de la vie. Je n’avais pas vu Dieu, mais je savais avec certitude que le but de notre vie était de vivre heureux.

L’Amérindien par la suite à déclarer aux autres qu’il savait par expérience que je ne mentais pas : c’est-à-dire qu’il avait pleinement confiance que mon témoignage était vrai. Il disait qu’il avait écouté plusieurs gens raconter leur histoire dans de multiples occasions et qu’il savait que je disais la vérité. Même si je n’avais pas pensé qu’on aurait pu douter de ma franchise, j’étais content d’avoir son appui.

Un an plus tard, j’ai joint l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, ayant foi que cette église était organisée par un prophète de Dieu, faisant pleinement confiance à Jésus-Christ qu’il a tracé une voie pour nous apprendre à vivre heureux.

Mes filles avaient 4 et 5 ans quand je leur ai raconté cette histoire (en moins de mots bien sûr), en leur disant que ma mission est de rendre leur mère heureuse et aussi mes enfants. Elles ont vraiment aimé cette histoire.

Un matin, ma plus jeune insistait pour jouer à mon ordinateur même si je lui avais déjà dit « non » à plusieurs reprises. J’étais en train de remplir le lave-vaisselles et j’ai fini par crier « NON ! » très fort. Ma fille s’est sauvée dans sa chambre en pleurant.

J’ai terminé ce que je faisais et je suis allé dans le salon avec le regret d’avoir crié et d’avoir fait pleurer ma fille. C’est alors que ma plus vieille m’a parlé. Elle m’a dit qu’elle n’aimait pas que je fasse pleurer sa sœur ; puis elle m’a rappelé que j’étais en train d’échouer ma mission, que je n’étais pas en train de rendre sa sœur heureuse. Je lui ai dit qu’elle avait raison. Je suis allé demander à ma fille de m’excuser d’avoir crié après elle. Elle est venue tout de suite dans mes bras.

Je suis content de voir que mes filles écoutent vraiment mes histoires. Elles les utilisent pour m’aider moi-aussi. C’est magnifique !

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Écrit par Enrico J. Lévesque le 05 octobre 2014
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