Perception, imagination et réalité

La pensée de l’univers que je connais se situe au cœur de mes perceptions, accessibles à travers mon corps physique. Les relations que j’entretiens avec les autres corps autour de moi, qu’ils soient animés ou inanimés, enrichissent et définissent les connaissances que je possède.

Mon univers personnel, façonné par la dynamique des choses qui m’entourent et constitué par l’ensemble des pensées qui m’habitent, interagit avec un autre univers au travers des sens que me procure mon corps. Cet autre univers, composé de ce qui existe indépendamment de moi, entre en relation constante avec le mien : ils se confrontent, se marient et parfois même s’expulsent l’un l’autre, probablement plus souvent que je ne m’en rends compte.

Ainsi, mon univers personnel dépend de l’acuité de mes sens, eux-mêmes déterminés par la nature de mon corps : un corps spirituel perçoit des réalités spirituelles, un corps céleste des réalités célestes, et un corps terrestre des réalités terrestres. Mon corps, étant l’hôte de mes pensées, en délimite nécessairement les contours.

Malgré ces limitations, l’imagination me pousse à dépasser ces frontières : en créant des pensées qui interagissent entre elles, elle peut générer de nouvelles réalités avec lesquelles le corps peut interagir ; mais probablement toujours dans un univers restreint par l’expérience corporelle accessible par nature.

De fait, l’univers que je connais, limité par la nature de mon corps, les contraintes de mes sens, et l’imagination conditionnée par ma propre expérience, n’a rien à voir avec l’univers tel qu’il est réellement. Peut-on percevoir la réalité dans son entièreté ? J’en doute.

Il existe également un troisième univers, perçu et partagé sous différentes formes par une communauté évoluant dans un espace commun. Bien qu’il n’existe pas concrètement, il est bien réel dans une culture, une sorte de pouponnière d’un imaginaire collectif. Ce troisième univers, extrêmement complexe, se déforme et se reforme continuellement en fonction des interactions d’un groupe et des choses entre elles, chaque individu y contribuant par son point de vue personnel. Bien que malléable, il est perçu comme fixe et réel dans le moment présent, dictant les lois auxquelles nos pensées tentent de se conformer.

Ce troisième univers commun, incohérent par nature, car construit d’un amalgame de perceptions interdépendantes, nourri par l’interaction des êtres avec l’univers réel, constitue un tissage hétérogène de croyances et de pensées plus ou moins conscientes. C’est dans ce troisième univers que je forme toutes mes connaissances. Pour enrichir mes propres connaissances et mieux comprendre ce qui m’entoure, j’ai besoin des perceptions d’autrui.

Au-delà des limites imposées par notre corps et nos sens, la quête de la vérité ultime semble insaisissable, échappant à notre compréhension limitée. Pourtant, c’est précisément cette quête, nourrie par l’interaction avec les autres et les mondes que nous percevons, qui enrichit notre existence et donne un sens à notre univers personnel. Bien que l’essence véritable de la réalité réside dans une totalité inaccessible, elle se révèle dans la richesse des perceptions et des échanges qui nous unissent.

*****
Écrit par Enrico J. Lévesque le 09 août 2024
|